En Chine, commerçants, ouvriers, employeurs, ou serveurs s’endorment souvent quelques minutes sur le lieu même de leur travail, en pleine journée, en pleine rue. Ils se retrouvent en équilibre sur un vélo, sur un établi, une table du restaurant, au pied d’un monument historique, sur une chaise de fortune, au vu et au su de tous les passants. Pendant plusieurs années (2005-2010), Eric Leleu les photographie, partout dans le pays. Pour lui, c’est un phénomène de société, qui révèle une face méconnue de la Chine contemporaine.
Les dormeurs témoignent d’une Chine dans laquelle les travailleurs se lèvent tôt, se couchent tard, mais récupèrent par ces courtes siestes, symboles d’un certain respect du rythme biologique, d’une connaissance du corps et de ses équilibres. Le travailleur s’évade, se recueille quelques instants dans son intériorité, sans craintes de laisser son corps exposé. Au-delà, ces siestes en pleine rue illustrent le rapport complexe entre sphères privée et publique qui s’est établi en Chine : la vie privée déborde sur le trottoir, l’intimité s’expose à la collectivité.
Elsa FAYNER, journaliste indépendante
« Il y a une forme de vulnérabilité à voir ces gens faire la sieste dans la rue, une activité particulièrement privée exécutée en public, et une rafraichissante inconscience : ils ne se soucient pas de ceux qui les regardent. »
Hannah BOOTH, journaliste The Guardian (article)
(Plus de projets faits en Chine ici : Archives Chinoises)